Réforme des rythmes scolaires :
un nouveau cadeau pour le privé,
un coup de canif à l'égalité républicaine
Le Ministre de l’éducation nationale vient de faire parvenir aux municipalités un guide pratique pour la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires, document fort instructif en particulier en ce qui concerne le « public » concerné et les dotations budgétaires (« fonds d’amorçage ») qui seront accordées aux communes candidates.
En voici quelques extraits significatifs :
Page 20 :
Les écoles privées ne seront pas concernées par la décision du maire d’appliquer la réforme à la rentrée2013 ou à la rentrée 2014.
En effet, selon le code de l’éducation, les écoles privées organisent librement la semaine scolaire. Chacune d’entre elles décidera donc si elle souhaite appliquer la semaine des neuf demi-journées et déterminera les horaires d’entrée et de sortie de l’école.
Pages 24 et 25 :
Toutes les communes disposant d’au moins une école maternelle ou élémentaire publique ou privée sous contrat percevront au titre de l’année scolaire 2013-2014 une dotation de 50 euros par élève dès lors que les enseignements y seront organisés sur neuf demi-journées par semaine à la rentrée 2013.
Les écoles privées sous contrat seront donc concernées par le fonds au même titre que les écoles publiques dès lors qu’elles organiseront les enseignements sur neuf demi-journées hebdomadaires à la rentrée scolaire 2013. Elles seront également éligibles à la part majorée (communes dites « cibles » DSU ou DSR, Outre mer) de la dotation dans les mêmes conditions que les écoles publiques en 2013 et 2014. (soit +40€ ou +45€ par élève). Les modalités de versement de l’aide aux écoles privées seront précisées par décret.
Page 27 :
la dotation est calculée sur la base du nombre d’élèves scolarisés dans les écoles publiques ou les écoles privées sous contrat de la commune, quel que soit le nombre de ces élèves inscrits à des activités périscolaires.
Que peut-on en déduire ?
Les écoles privées sous contrat sont donc officiellement reconnues comme écoles de la République puisqu’elles vont bénéficier de fonds publics au même titre que l’école publique, tout en conservant leur liberté d’adhérer ou pas aux instructions officielles édictées par le ministère de l’éducation nationale pour mettre en œuvre la réforme des rythmes scolaires !
Cette décision est non seulement injuste car les écoles privées (confessionnelles pour la plupart) ne respectent pas les principes fondamentaux de l’enseignement (gratuité, laïcité et respect de la carte scolaire), mais en plus, elle contredit l’article L212-8 du code de l’éducation qui précise à propos des dépenses obligatoires des communes pour le privé sous contrat: Les dépenses à prendre en compte à ce titre sont les charges de fonctionnement, à l'exclusion de celles relatives aux activités périscolaires.
Or, il s’agit bien (page 30) … d’activités périscolaires, qui sont mises en place par les collectivités territoriales en prolongement du service public de l’éducation, (visant) à favoriser l’égal accès de tous les enfants aux pratiques culturelles, artistiques, sportives, etc.
Alors s’agit-il d’un excès de pouvoir ? On peut en douter mais c’est bien révélateur d’une acceptation officielle du dualisme scolaire au sein de notre Etat laïque ( ?).
… et une ouverture vers la marchandisation du système scolaire ?
En dehors de cet aspect qui concerne les valeurs de la République on peut aussi s’interroger sur l’évolution du service public d’éducation, si on comprend bien les termes cités ci-dessus (page 30) il semblerait que les activités déclarées obligatoires jusqu’à présent dans les programmes scolaires (éducation physique, musicale, artistique…) pourraient être transférées au périscolaire avec le caractère facultatif qui les définit, page 36.
Alors comment s’organise la participation aux activités périscolaires ?
Même si les familles ne sont pas obligées d’inscrire leurs enfants à ces activités, il est fort à parier que sous couvert de « justice sociale », il soit demandé une participation, probablement dégressive.
Actuellement, la tarification ou la non-tarification des activités périscolaires organisées par les communes ou les EPCI relève déjà de leur compétence. Dans le cas où la commune déciderait d’une tarification, il conviendrait cependant de veiller, dans l’organisation des activités périscolaires, à caractère facultatif, à ce que les ressources des familles ne constituent pas un facteur discriminant entre les élèves.
Voilà toutefois comment générer une percée supplémentaire dans le portefeuille à des parents qui seront mis devant le fait accompli. Même si les activités sont facultatives, chaque enfant aura-t-il la possibilité d’en bénéficier ? La voie de la marchandisation de l’enseignement serait-elle en route ?
Car si on comprend bien, les activités périscolaires devraient être un prolongement de l’éducation des enfants mais ne s’adresserait qu’à ceux qui seront volontaires, ou pire encore, à ceux qui pourront payer si les communes l’exigent ?
Au travers de cette analyse, que fait-on du principe d’égalité de tous les enfants de France devant l’éducation nationale ? Venant d’un gouvernement qui se targue d’appliquer des principes de justice sociale ce document ne peut qu’inquiéter les citoyens de notre république qui l’ont élu.
A Poissy, l’équipe municipale, premier édile en tête, voudra-t-il se montrer un « bon élève » ou sera-t-il en capacité de s’émanciper de la directive ministérielle ?