Que dire dans cette triste affaire du jeune Nicolas, harcelé pendant des mois, retrouvé suicidé dans sa chambre début septembre à Poissy ?
Les protagonistes sont connus, les réactions sont vives mais après le drame…
Et voilà le Rectorat et sa lettre.
Cela ne vous rappelle pas un autre cas ?
Un certain Samuel, professeur.
AJOUT DU 20/09 - vu sur https://www.vududroit.com/
Les parents de cet adolescent de 15 ans, confrontés au harcèlement scolaire dont faisait l’objet leur enfant, se démenaient pour essayer de mettre celui-ci à l’abri. Ils ont sollicité le soutien de l’Éducation nationale. De rendez-vous avec l’équipe éducative en déplacements au commissariat, ils se sont heurtés à une inertie administrative bornée et ont manifesté leur désarroi. Que n’avaient-il fait ! Le rectorat de l’académie de Versailles leur a rappelé qu’ils devaient rester à leur place, sinon gare ! Ils ont reçu sous l’en-tête de ce rectorat un courrier de menaces – celui qualifié de « honteux » par l’actuel Ministre de l’Éducation national – dont il convient de rapporter les termes pour mesurer le mépris et l’arrogance qui caractérise de plus en plus la haute fonction publique d’État.
Voici ce que dit le courrier. « Il convient de vous rappeler que si votre qualité de parents d’élèves vous octroie le statut de membre de la communauté éducative en application des articles L-111-3 et L 111-4 du code de l’éducation, cette qualité implique également que vous respectiez l’ensemble des professeurs personnels de l’éducation nationale et l’institution scolaire conformément à l’article 111 –3– 1 du même code. » En d’autres termes : « dites donc les gueux, ce n’est pas parce que l’on vous « octroie » (!) un statut, que vous êtes autorisés à l’ouvrir et à vous plaindre sous prétexte que votre enfant est en danger. Alors on va vous citer des articles de loi dont vous n’avez pas idée pour vous impressionnez et que vous appreniez à rester à votre place. »
Mais malheureusement, il y a pire, puisque le courrier poursuit par une menace explicite :
« Par ailleurs, conformément à l’article 226 – 10 du code pénal : «La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d’un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l’on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu’elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l’employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. »
On imagine la réaction de ces parents dans la souffrance, et n’ayant aucune culture juridique, face à cette menace explicite et littéralement terrifiante. Et pour faire bon poids, le courrier du rectorat rappelle que pour les plaintes pénales déposées contre eux, l’administration financera la défense des plaignants. Non pas d’ailleurs en rappelant le principe de l’article 11 du statut général de la fonction publique mais pour faire joli et susciter encore plus d’angoisse, en faisant état d’une référence d’un arrêt de la Cour de cassation.
« Honteux », le mot est vraiment très faible pour ce qui constitue purement et simplement un chantage. Certes, les juges admettent en général qu’il n’y a pas de chantage en cas de menace d’une action pénale, du moment que l’auteur de la menace est une victime qui vise à obtenir la mise en œuvre d’un droit légitime. Mais en la circonstance, les personnels de l’Éducation nationale n’apparaissent vraiment pas comme des victimes visant à obtenir la mise en œuvre d’un droit légitime. Et ce d’autant que pour être prononcée, cette condamnation implique que l’auteur de la dénonciation calomnieuse ait su de manière certaine que sa plainte était infondée. C’est-à-dire qu’il savait que les faits invoqués n’existaient pas. Les condamnations pour dénonciation calomnieuse sont rarissimes. Le seul objectif poursuivi était donc l’intimidation, de faire peur afin d’obtenir la résignation des parents.
Il faut lire les autres échanges de courriers avec le proviseur du collège pour imaginer leur désarroi et leur sentiment d’impuissance devant cette indifférence hostile, et menaçante. Comment ne pas imaginer que cela ait pu jouer un rôle dans la tragédie qui s’est déroulée au moment de la rentrée ?
Non-assistance à personne en danger
Alors, on va rappeler aux fonctionnaires (si prompts à brandir la menace judiciaire) que le Code pénal comporte quelques autres articles sur lesquels il serait normal qu’ils aient à répondre, en n’oubliant pas que tout ceci s’est déroulé sous la responsabilité de Charline Avenel, rectrice de l’académie de Versailles déjà en fonction au moment de l’affaire Paty. Pour rappel, Avenel est une camarade de promotion d’Emmanuel Macron, lors de son pasage à l’ENA, qui fut nommée à ce poste sur décision du prince et grâce à un passe-droit, car elle ne remplissait pas les conditions légales pour accéder à cette responsabilité. Conformément au cursus de la haute fonction publique macronienne, elle vient de quitter le service public pour rejoindre une confortable pantoufle dans un des premiers groupes de l’enseignement supérieur privé. Le service public, c’est pour constituer le carnet d’adresses que l’on va faire fructifier après. Stéphane Simon, dans son ouvrage Les derniers jours de Samuel Paty, a pointé les responsabilités écrasantes de la hiérarchie de l’Éducation nationale dans le drame. Et en particulier celle d’un rectorat plus soucieux de rappeler au malheureux professeur « les règles de la laïcité qu’il ne semblait pas maîtriser », que de le protéger de la barbarie islamiste.
Tant qu’à parler d’articles : rappelons également aux magistrats, ceux qui sont allés violer leur devoir de réserve à la fête de l’Huma ces 16 et 17 septembre, que l’on aimerait les voir se remettre au boulot. En effet, en avril 2022,10 membres de la famille de Samuel Paty ont déposé une plainte pour non-assistance à personne en danger. Le parquet de Paris aurait pu demander l’ouverture d’une information judiciaire et la nomination d’un juge d’instruction. Il s’est contenté d’ouvrir une enquête. A priori, il ne semble pas que Charline Avenel ait été entendue.
Rappelons pourtant ce que dit l’article 223 –6 du Code pénal : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »
La responsabilité des personnels de l’Éducation nationale impliqués dans la rebuffade et les menaces adressées aux parents de l’adolescent de 15 ans sautent aux yeux à la lecture des échanges de courriers. Qui ne sont pas seulement « honteux », pour reprendre le mot de Gabriel Attal, mais constituent en eux-mêmes l’infraction de chantage, et caractérisent un refus volontaire de porter secours à une personne en péril. Charline Avenel, habilement exfiltrée vers le privé en juillet 2023, sera-t-elle entendue après ce deuxième mort ?